Sortis de l’armoire, deux objets pleins
activent l’opération
Deux bâtons au creux des mains
sont tenus fermement entre la paume et l’index.
Ils mesurent la tension :
pulsent la chamade
en rythme meuvent les âmes
battent d’un ton bas
le bourdon – les hanches vibrantes en clé de fa
Le code – de bois dur
L’outil-instrument
Un hêtre dont l’essence chauffe le métronome
Un héraut orchestrant ses hommes
Sous les bottes, la terre battue
ses mines et ses alérions
Lorsque le geste a commencé, il ne s’arrête pas
l’engrenage ne s’inverse pas non plus
Vers l’avant un tempo en métrique
la structure que la boue meuble éclate
tendre – tendu – le corps et son arme
menacer la tempe
pour en venir aux mains
En la violence une logique :
Le couteau auquel il manque la lame
attire les âmes amères
frappe les pauvres hères.
Adroitement l’étranger s’avance. Pas d’âme qui vive sur ce champ de bataille. L’arme à l’épaule il
observe le paysage dans le viseur. Un oiseau bat des ailes, une fumée noire s’élève d’un
immeuble éventrée et un arbre presque entièrement calciné à droite. Deux soldats gisent au sol
tels deux poupées de chiffons côte à côte, il s’avance. Harmonie entre deux âmes se dit le soldat
en observant leurs visages blancs de saints, front contre front. L’un d’eux gémit sans ouvrir les
yeux, Ami, achève moi. Quitte le corps et va en paix murmure l’étranger et il met un terme à
son agonie. Frissonnant et amère il avance parmi les ruines, à la recherche d’une âme vivante,
dans son quartier de quand il était enfant. « L’art de faire la guerre » lâche t-il en crachant.
L’étranger est sur un lit d’hôpital. Il est plâtré de partout et fait des rêves psychédéliques shooté
par les médicaments. Comme je ne peux pas la réaliser je vais vous la décrire. J’imagine une
sculpture dont la structure serait une tour carrée en bois massif. Faîte d’un bois noble qui
viendrait d’un grand arbre d’une forêt lointaine qu’on aurait abattu pour le projet. Une tour d’1m90
de haut, c’est encore faisable. Le bois serait peint d’un blanc très blanc, comme ça il
ressemblerait à un marbre de Bernini. Et cette structure serait ensuite entourée d’une épaisse
couche de résine. On ne verrait alors plus l’ossature de départ. La résine ferait autour du bois
comme un bloc de glace de l’épaisseur d’un iceberg. Elle viendrait arrondir la structure, casserait
ainsi les arrêtes et les angles et en créerait d’autres plus petits. Ma tour s’approcherait alors un
peu plus de cette tour cornichon qui est à Londres se dit le convalescent. Qui ressemble en fait à
une bite; c’est en tout cas ce que tout le monde se dit, comme tout ce qui est long étroit et un
peu arrondi. Mais là attention, c’est bien mon intention que cet objet ressemble à une bite. Oui
car ce dont je veux vous parler c’est bien de quelque chose de viril et trivial; c’est du désir de
pouvoir dont je veux vous parler, du désir de dominer. Et des images seraient prises dans la résine
ou collées dessus, comme des timbres qu’on aurait léchés et posés là au hasard. Ces images de
personnalités politiques provenant des médias seraient de différentes tailles et de différentes
couleurs. Qui verrait-on à votre avis? Des mecs qui sont prêts à tout pour garder le pouvoir et prêt
à tout pour le prendre. Et des meufs aussi. Je vous laisse imaginer. Après chacun·e son style,
certains·es ne s’en cachent pas et d’autres plus sournois·es portent un masque de la Commedia
dell'arte. Cela devient un jeu, qui sera le ou la plus rusé·e? Qui remportera la partie? Et je pense
qu’en haut de ce gratte-ciel phallique il pourrait y avoir un trou profond et noir qui descendrait
jusque dans les entrailles de la terre. Duquel sortirait une musique puis une voix. Que nous dirait
ce discours? Ce qu’on veut entendre évidemment! Je vous en dis pas plus et je vous laisse
imaginer.
avec ses joues qui rosissent sous le coup de l’émotion ou de l’effort ;
appelons-le Ilyas ou Nicolas. Ce garçon avec son air de ne pas y
toucher, s’il se mettait à jurer, là, tout de suite, on le croirait.
Un air tellement inoffensif.
Et pourtant ce jour-là, Ilyas ou Nicolas, va s’en prendre à l’enfant-
fille prépubère. Il l’attaque par derrière, sur fond de chatouilles trop
violentes et ça va trop vite pour réaliser ce qui se produit.
Une interaction de l’ordre du pincement, un impact sur la chair,
l’intrusion de mains inconnues sur le corps incrédule. Le temps de se
retourner, il a disparu. Les yeux de l’enfant-fille prépubère furètent
partout, cherchent vainement l’ombre parmi la foule.
De longues minutes passent, la cloche sonne, les autres vivants
commencent à se disperser alors elle rebrousse chemin, s’apprêtant à
retourner en classe.
Le garçon attrape l’enfant-fille prépubère.
Très vite, l’étreinte se resserre, les mains galopent et s’insinuent sous
le manteau, vers le corps chaud. Il neige dans la tête de l’enfant-fille
pendant que le garçon-pieuvre déploie ses tentacules, et il n’y a plus
personne pour rapporter l’action qui dérape.
Ça hurle en dedans.
Ça crie vengeance et réparation, une foule entière qui vocifère.
Alors les ongles de l’enfant fille s’enfoncent dans la peau tendre du
garçon. Les ongles s’enfoncent, ils n’ont que ça à faire, petites lames
tranchantes, et ils le font bien. Ils agriffent les mains de toutes leurs
forces, reprennent le contrôle des bras du garçon qui hurle de douleur.
Les ongles suspendent le geste conquérant, découvrent le bras et le
portent à la bouche de l’enfant-fille.
Les dents salivent et se tiennent prêtes à entrer dans l’arène. Elles
sont sans pitié, les dents, détachées de tout affect. Elles s’enfoncent
douloureusement dans la peau et mordent la chair tendre.
Une délicate ligne rouge commence à se dessiner le long du bras nu
du garçon.
Les ongles de l’enfant-fille prépubère continuent à s’enfoncer en lui
jusqu’aux cris. La douleur jusqu’aux larmes, jusqu’à la fuite très loin
au loin du garçon. Faire semblant que non, tout va bien, « Mais elle
est folle, regarde ces marques qu’elle m’a faites, non mais c’est vrai
quoi, elle m’a fait mal cette folle. Cette… FOLLE. »
Et puis le rire qui gonfle la trachée, le rire qui se fracasse et explose
dans la bouche de l’enfant-fille et la joie d’avoir retourné le piège,
d’avoir vu le visage du garçon se tordre sous la frayeur et d’autres
trucs insoupçonnés comme l’urine sur le jean.
Et c’est vrai que les garçons ne pensent pas suffisamment à regarder
ces parties-là: le bout des doigts. Ils s’attardent sur les formes à peine
apparentes ou déjà protubérantes des corps en mutation mais le bout
des ongles à douze ans, ils n’y pensent pas.
Ils ne savent pas que cela peut être de redoutables petits poignards de
poche pour celui qui cherche à s’approcher d’un peu trop près.
Et l’œil qui se crève s’en mordra les doigts.
je n’ai pas d’images et je n’ai pas de paroles
mais j’ai le désir d’avoir un gros gun
un gun de gueule pour partir à la guerre
contre toutes les images et toutes les paroles
qui empêchent le roi pêcheur de surgir
en grâce de mon sein pourrissant
je jette mon corps sur l’à-pic du monde
je me laisse tailler en pièces
par les vautours aux yeux ravis
mais j’ai le désir de devenir une grenade
de laisser les morceaux de vide pur de mon corps
terroriser les supermarchés
rendre les images impossibles
excéder toutes les paroles
et les yeux pleureront de gueule
et les aigles seront armés
et le roi pêcheur surgira de mon sein pourrissant
avec dans son gantelet une boule de feu
pour rendre au monde sa pureté
que vais-je faire de toute ma violence
si elle ne peut pas me conduire à la vérité ?