je ramasse un caillou
une fleur pousse
j’ai envie de mettre un casque
le sol porte une ville
les fenêtres de mon appart sont transparentes
je marche
mes pieds sont des chaussures vides avec un cerveau
la pluie touche chaque gravier
le soleil brille parfois
ma voix est une bouche transparente qui vole dans les airs
je m’assoie sur une chaise de camping
je porte une épuisette
il y a un poisson dans ma tête
on voit seulement la peau des vagues
je suis en slip
les montagnes en feu
je continue de vivre pour que ça fasse encore plus mal
les vacances continuent pour qui
la balle de volley touche le sable et sous le sable il fait moins beau
j’arrive
le vélo est couché par terre
j’ai besoin d’un pendentif
ce n’était même pas de la tristesse c’était du vide
aucun moment
un camping sans personne
il ne s’est rien passé
la nuit est juste un peu plus noire
tout contact est pire que tout
l’amitié est un projet cruel
les fourmis sous l’eau
le camping sous la pluie
je dors dans la tente bleue
tous les moments s’unissent au sud
tous les sentiments subis
je suis heureux
je serai malheureux
mon cœur est un point sur la carte
je suis un couteau posé à côté de l’assiette d’une personne sans bras
il n’y a plus mon nom quand j’écris mon nom sur ça
il faut suivre et survivre
conduire ses yeux
aller vite
le sentiment est resté le même
il ne relie pas les gouttes de pluie
les fenêtres de ma chambre sont simplement transparentes
il ne relie pas les gouttes de pluie
j’ai licencié une partie de moi
le soleil cache la nuit
les vitres sont posées près de ma bouche
mes dents derrière une vitre
je travaille
j’essaie de comprendre ton visage
je m’attache les mains
il pleut
tout se passe bien
j’ai perdu un cheveu important
je me suis mordu la lèvre
la porte est fermée
les murs et les fenêtres sont de bonne qualité
je sais que je suis souple quand je dors
les voisins du dessous ont un chapeau pointu
je leur prête un tournevis
une cuillère passe sous un mur
les escaliers sont bleus et blancs
je coince ma main dans les enveloppes
le monde triche
je laisse des traces de coup sur la feuille
j’ai soif
j’ai peur
j’achète de l’eau
je paie
un lac dépasse
j’enterre mes lunettes
je mets le sol sur mon nez
mes lunettes ont fondu comme un sucre
les fruits brillent pendant la nuit
on m’annonce que je suis mort
je reste calme
j’enfonce la clé dans la serrure
j’ai passé tout un été sans voir personne
je vois les heures en chiffre devant mes yeux
levée, assise, main dans les cheveux, épaule nue/ épaule couverte
vocabulaire restreint
Pliée en deux, un coup dans le bas ventre
à l’écoute, j’écoute
j’écoute je suis élégante
je m’effondre sur mes jambes croisées
me redresse, frappe le bas ventre
à l’écoute, j’écoute,
puis m’effondre
sur la pointe des pieds
ma poitrine me tue
je m’effondre,
j’écoute
je m’effondre,
j’écoute
tout mon corps tendu, crispé, mes mains sur le bas ventre
tout ce qui est bas est à abattre
Je m’ effondre, ne m’arrête pas, continue
Tire de mes cheveux la force de
mon sein me brûle
je m’effondre j’écoute
je m’effondre, mes cheveux suivent
la sueur sur mon front
j’écoute et m’épuise
j’écoute et m’épuise
mon sexe me brûle mais j’écoute
jambe croisée attentives
mes cheveux suivent
pliée en deux
me redresse, mes cheveux suivent
j’écoute, croise les jambes
j’écoute, cherche la beauté
de mon bras droit
m’effondre,
cherche la beauté vers la droite
me lève, m’effondre
mes cheveux suivent mon souffle aussi
pliée en deux je m’effondre
mes cheveux, mon sein, à terre
mes cheveux, mon sein, à terre
cherche la grâce, éponge la sueur
le cou, les seins, la nuque
le cou, les seins, la nuque
les cheveux suivent
le souffle aussi
je tiens, j’écoute
je croise mes jambes
les écarte, cherche la grâce,
à terre
mes cheveux, mon sein, à terre
j’attends et m’effondre
me lève et m’effondre
j’écoute
C’est déjà 19h et je suis encore à 2h de route de Plouha.
Je sens mon téléphone qui vibre sur le côté de mon siège. J’y jette un coup d’œil: c’est un 06.
J’ai lu quelque part que les arnaques c’est plutôt les 04 ou 09, +33 ou +34 alors je décroche.
“Bonjour madame Veauvy ?” qu’on m’fait. “C’est [Nom/Prénom] du service sécurité du Crédit
Agricole. Je vous appelle pour vérifier avec vous l’origine d’une dépense importante et
inhabituelle sur votre compte.”
Je lui dis que je suis en voiture, je l’entends pas très bien donc je vais être obligée de gueuler. Il
m’explique comme quoi j’aurais dépensé 1500€ dans un hôtel à Marseille.
- J’ai pas fait ça, vous avez vu le montant sur mon compte ?
- Justement, il s’agît probablement d’une fraude à la carte bancaire. Je vais commencer par
bloquer votre carte et vous en envoyer une autre. Voulez-vous garder le même code ?
- Bloquer ma CB ? Et j’fais comment moi ? Ça va pas, non?! Je pars en weekend là !
Ça m’ennuie cette situation parce qu’il a l’air sympa ce type, je voudrais pas le brusquer non
plus et je sens bien qu’en gueulant comme ça, il va finir par le prendre personnellement.
- Enfin je veux dire, vous auriez pas une autre solution ?
- On peut la bloquer pour les dépenses en ligne si vous voulez.
C’est bien ça, de toute façon j’ai pas la 5G à Plouha, je pourrai pas acheter en ligne.
- Essayez de faire attention aux arnaques en ligne. Vous n’auriez pas cliqué sur un lien étrange?
Un sms ou autre ?
Et puis quoi encore ? Je suis au courant de ces trucs là, je fais attention.
C’est là qu’il me fait : “Ou même cliqué sur un lien pour gagner un smartphone ?”
Je l’ai vexé, il se fout de moi. Je m’arrête sur une aire d’autoroute histoire de discuter au calme.
Il veut vérifier deux trois trucs avec moi, c’est la procédure.
- Essayez de vous connecter à votre espace perso. On va vérifier ensemble le montant de vos
comptes.
J’aurais bien aimé faire ça ailleurs que sur cette aire d’autoroute un peu miteuse mais bon. Je
vais m’installer sur la seule table de pique-nique et je me connecte à mon compte.
- Je voudrais vérifier que vous avez bien les mêmes chiffres que moi sous les yeux. Indiquez-
moi le montant de votre compte courant.
Je comprends pas trop l’intérêt mais ça me plait de lui parler.
- Moins 36€.
- …
- Allô ? Moins 36€.
Bordel je capte plus. Pas de réseau. Au final c’est pas grave, ça m’a permis de faire une pause.
Et puis, ça m’étonnerait que quelqu’un se serve de mon compte pour se payer l’hôtel. Le
paiement sera refusé.
Je me dirige vers le distributeur pour me prendre un coca. Deux euros cinquante la canette, à
ce prix là c’est du racket. J’fous un coup de pied dans la machine et puis je paye deux euros
cinquante.
Là je reçois un sms du 06 de [Nom/Prénom], Le service sécurité du Crédit Agricole a cherché à
vous joindre, cliquez sur ce lien pour finaliser l’intervention.
Je clique et je réponds à chaque question. Je crois reconnaître dans la formulation des
messages que c’est bien [Nom/Prénom] qui m’écrit mais j’ai un doute parce qu’on dirait aussi le
tchat d’un SAV. J’ai l’impression que c’est lui quand je reçois “la procédure m’oblige a vérifier le
montant de votre épargne. À combien s’élève votre livret A ?”
Mais dans “quel est le montant de votre découvert svp ?” j’emets quelques doutes.
Bref, le soleil se couche, je reprends la route.
À peine 30min plus tard je reçois un sms. Je profite d’un ralentissement pour y jeter un coup
d’oeil.
Alerte : votre compte est à découvert non autorisé de –1536,00 €. Vous avez dépassé votre
autorisation. Merci de régulariser sans tarder.
Putain.
J’apprends à soulever un tas de terre pour réduire la circonférence de la honte dans laquelle je baigne depuis l’aurore : naître n’est-ce pas suffisant pour vouloir s’enterrer dans un sous-bois cévenol ou dans l’humus grandissant des forêts de pins de l’ouest ?
Demain j’irai danser sous les arbres avec des boule quies un peu d’espoir et l’envie de ne jamais m’arrêter
Sous une branche j’avale des champignons : goût dégueulasse, donnent envie de sourire.
J’en distribue à mes voisins, ils mangent dégueulent mangent dégueulent puis finissent par rire eux aussi
Hallucinations
V dit qu’il danse pour des raisons de survie et je crois qu’il a raison, lorsqu’on danse c’est toujours un peu parce qu’on ne sait jamais quand ça va s’arrêter et qu’il faut a minima en profiter, je suis même sûr qu’on travaille la gravité de la terre en faisant cela, ou qu’on l’aide à tourner sur elle-même
Je voudrais voir danser la terre autrement que comme les slow de l’adolescence
Je fais la toupie comme Dustan, mais contrairement à lui j’ai moins à perdre : homme cis blanc sans trop de problèmes, juste une envie de dégueuler assez régulière et une tristesse latente
Ça suffit pour avoir envie d’écrire,
Ça ne suffit pas pour être intéressant,
Ça aide juste à ne pas s’arrêter
Écrire c’est danser tout seul dans la pénombre de ses pensées
En dansant je change la honte de camp et la tristesse n’est alors plus qu’un détail infime, comme les rides solaires sur le côté de ses yeux et le téton qui rentre à l’intérieur de son corps
Dans quelques semaines je rejoindrais M dans un sous-bois cévenol, j’espère qu’on va beaucoup danser et beaucoup se rouler des pelles, ça aidera à faire passer le coût de la vie
Sous les arbres j’ai trouvé un peu de terre, j’envisage d’en faire une cabane pour la fin de l’éternité
Depuis que je danse le soleil ne se couche plus
J’ai très envie de danser faire l’amour manger des champignons transformer le reste de ma vie en sieste
Lorsque je danse je ne pense plus à tout ce que j’ai à faire
La honte m’a appris à déborder, je crois, et la terre dans laquelle je suis baigné m’aide à tenir droit
Je danse pour oublier
J’écris pour me rappeler
T’ai-je déjà dit que je voulais danser avec toi ?
Tout droit là-bas c’est pas la mort
C’est l’odeur de toi qui me dévore
Un ensemble.
Une partie.
Une partie d’une partie.
Dedans, puis dehors.
Dehors, puis dedans.
D’un seul coup,
De plusieurs à la fois.
Parfois une voix demande.
Un ventre qui râle.
Un corps qui meurt.
Sursaut de pacotille.
Illusion d’un navire dans un océan vide.
Dessous, tout en dessous.
Il y a, toujours.
L’après qui subsiste.
L’après qui respire.